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Le G.I.S.D (Général Intermédiate Supply Dépôt),
ce grand losange dont les diagonales mesuraient respectivement 10 et 3 km
était situé entre la RN 76 et la ligne de chemin de fer de Tours
à Vierzon, il traversait d'Ouest en Est la commune de Giévres
et s'avançait sur Selles sur Cher et Villefranche sur Cher.
Il comprenait :
*Les stockages,
plus de 200 magasins en tôle ondulée et galvanisée, contenant
des matériels et des produits les plus divers.

* 90 hectares
environ de dépôts en plein champ, sous bâche ou à
l'air libre.
*Un parc automobile contenant des milliers de véhicules (side-cars,
Ford T, Dodge, Liberty, Cadillac,etc
)


* 4 citernes en tôle
d'une capacité de 2 270 000 litres d'essence chacune, plus quantité
de fûts, tonneaux et bidons de lubrifiants et produits divers.
*L'usine frigorifique, à l'époque
la troisième du monde après Chicago, permettait de congeler
8 000 tonnes de viande.

*Le Service de santé comprenait d'immenses
stocks médicaux et chirurgicaux ainsi qu'un hôpital abondamment
approvisionné en produits pharmaceutiques et équipé d'appareils
de radiologie. La population des environs a eu bien souvent recours aux médecins
américains qui la soignaient gratuitement.
*Le rail avec ses gares, ses triages, développait 213 km de
voies ferrées desservies par 555 aiguillages ; 4 à 5000 wagons
y stationnaient chaque jour.
* Le Génie,
avec ses immenses ateliers, sa fonderie pour le cuivre et la fonte, ses puissants
engins et son énorme quantité de matériels de toutes
sortes.
*Le parc d'Artillerie,
où étaient stockés et montés des quantités
d'engins divers.
*Le Service des transmissions,
où l'on pouvait voir des monceaux de poteaux télégraphiques
et des champs de rouleaux de câbles. Un poste météo y
fonctionnait.
*Le dépôt de Remonte de cavalerie, avec hôpital
vétérinaire, à l'est de Giévres a eu jusqu'à
20 000 chevaux et mulets.
*Les cantonnements : 430 baraques semblables de 30 m sur 6 m alignées
perpendiculairement en bordure des routes, logeaient la troupe.
*Les accueils : Croix-Rouge, Y.M.C.A (Young
Men's Christian Association) organisaient et assuraient la détente
et le soutien moral des troupes.
*Le cimetière américain établi à l'angle
de la RN 76 et de la D124 reçut 254 corps et le cimetière communal
48. Après la guerre, tous ces soldats furent exhumés et rapatriés
aux Etats-Unis.
*L'Aviation : Air Service Production Center
n°2 de Romorantin, extension du G.I.S.D en 1918, s'étendait sur
Gievres et Pruniers au sud de la Sauldre, depuis le Chalet jusqu'à
pratiquement la limite de Romorantin
D'immenses hangars destinés à abriter les gros " Caproni
" renfermaient aussi des matériels d'aviation très divers.
Plus de 3000 personnes y travaillaient, soit dans les bureaux, soit au montage
des avions " Liberty ", lesquels étaient ensuite essayés
par des pilotes américains (tirs à travers l'hélice en
particulier)
Trois pistes de 1000 m sur 800 m avaient été aménagées.
L'aviation avait aussi son hôpital et son cimetière.



Toute l'infrastructure de ces camps,étudiée
aux Etats-Unis,avait été édifiée en un temps record
par des équipes spécialisées, les " escadrons de
Construction Aéronautique ", avec des moyens dépassant
l'imagination mais concrétisant la mesure de l'effort de guerre américain.
Néanmoins, il fut fait appel, en plus de ces équipes, à
une nombreuse main d'uvre étrangère qui ne fut pas sans
poser des problèmes de sécurité. Les Chinois sont passés
dans la légende à cause de leur accoutrement ou excentricité.
L'Armistice du 11 novembre 1918 survint alors que les travaux n'étaient
pas encore terminés.
Les Américains avaient fait des prévisions pour une guerre qui
aurait pu durer CINQ ans !
*Relations avec la population
Très vite les " Sammies " furent adoptés ; ils fréquentaient
les villes et les villages voisins ; ils invitaient la population aux manifestations
sportives et commerçaient volontiers avec les paysans.
Les débits de boissons prospéraient :13 furent ouverts à
Pruniers, 19 à Selles sur Cher et 48 à Gièvres.
Des habitants de Gièvres et des environs travaillaient au camp.
En 1919, à Gièvres, sur 41 mariages, 23 furent des mariages
franco-américains. Les actes de mariage et les photos de certains couples
nous sont restés.

*La Liquidation
En 1919, les troupes américaines furent rapatriées et ces gigantesques
complexes qui avaient poussé comme des champignons, allaient disparaître
aussi vite.
L'aviation française prit possession du terrain de Pruniers, qui devint
l'E A A 602.L'administration des finances s'installe aux " Alcools ".
Ces deux utilisateurs n'occupent pas le dixième des installations américaines.
En 1921, une compagnie fermière fut chargée de la liquidation
des stocks sous la direction des Services de l'Intendance.
Tous les hangars, baraques et matériels furent vendus, dépecés,
dispersés, certains dans des conditions tout à fait normales
avec appels d'offres et adjudications, mais d'autres dans des conditions quelque
peu frauduleuses.
Les terrains furent rendus aux propriétaires et des indemnités
versées en cas de dépréciations.
*Témoignages
" LES AMERICAINS A GIEVRES " de l'abbé Chauveau, cet ouvrage
qui a été réédité en 1995, décrit
cet immense complexe et relate son activité ; c'est aussi un peu l'atmosphère
de l'époque qui revit à travers ces pages écrites en
1920. Il a été jusqu'à ce jour une de nos principales
sources d'information.
Deux romorantinais : Pierre Villedieu et Jacques Cottereau qui ont connu et
vécu cette époque, nous ont laissé chacun de leur côté
des pages très documentées. Nous leur devons beaucoup de documents
et de photos.
Des plans, des photos, des extraits de journaux, des récits, des anecdotes
et maints objets, transmis par les contemporains du Camp ou par leurs descendants,
apportent aussi des témoignages précieux.
*Qu'en reste-t-il 70 ans après ?
Au camp des Alcools, deux citernes de 22000 hectolitres sont toujours utilisées.
En maints endroits, à travers bois et broussailles, on peut encore
suivre la trace des anciennes voies ferrées, certaines d'entre elles
sont encore bordées des " dés " en béton sur
lesquels reposaient les hangars.
Des vestiges encore importants de ce que fut le " frigo ", noyés
dans la végétation mais accessibles au promeneur, grâce
à l'aménagement de sentiers réalisés par le propriétaire.
A côté des structures de l'usine, sur une étendue de 300
m de long et 40 m de large, s'alignent, impressionnants, les tubes de béton
qui soutenaient le plancher des chambres froides.
Un réservoir de 20 m de côté sur plusieurs de profondeur
est toujours plein d'eau : celle-ci était refoulée de la Sauldre
pour l'alimentation de l'usine et des réservoirs secondaires du camp.
Ailleurs, on retrouve encore des parties du sol bétonné des
hangars, quelques blocs de béton deçà et delà,
la sortie hors sol d'un forage, et également des aires stérilisées
pour longtemps par les produits qui y ont été déversés.
De temps à autre , un objet, des masses métalliques rouillées,
resurgissent ainsi que des quantités de petits tubes jaunes qui servaient
à désinfecter.
Une baignoire aux chevaux, couloir de béton de 20 m de long sur 0,80
m de large et profond de 3 m, dans laquelle les chevaux étaient précipités
pour l'hygiène ou la santé.
La poudrière, constituée de bâtiments disparus, était
protégée par une enceinte trapézoïdale de levées
de terre que l'on retrouve encore.
Malgré toutes ces traces et vestiges nombreux laissés sur son
territoire, Gièvres, dans quelques décennies, ignorerait tout
de son Camp Américain de 1917-1919 ; la simple mention de son existence
relèverait de l'imaginaire, voire du légendaire, si rien n'en
perpétuait le souvenir.
Depuis le 3 octobre 1987, un hommage y est désormais rendu et immortalisé
dans le granit.
Le comité du Souvenir des Américains à
Gièvres est né pour en écrire l'histoire et le pérenniser
; il deviendra en 1996 " Gièvres, souvenir, patrimoine et culture
"
Ces quelques photos ne sont qu'un aperçu des
deux cents exemplaires qui illustrent l'exposition permanente au musée.

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